L'orthophonie au service du langage et de la cognition


Rencontre avec Stéphanie Couesnon, orthophoniste libérale et hospitalière depuis 28 ans, en Île-de-France
Bonjour Stéphanie, peux-tu nous raconter ton quotidien en tant qu'orthophoniste ?
Aujourd'hui, je partage mon activité entre les rééducations d'enfants et d'adolescents présentant des troubles du langage oral et écrit, ainsi que les adultes souffrant de troubles orofaciaux et cognitifs. Ces troubles peuvent être liés à des lésions acquises (AVC, trauma crânien) ou des maladies neurodégénératives.
Chez l'enfant, la détection des troubles du langage se fait souvent à travers les observations du pédiatre, de l'instituteur ou d'un spécialiste quand il est en âge préscolaire ou maternel. Au détour d'une consultation, il s'aperçoit que le niveau de langage ou de parole n'est pas forcément celui attendu. Il va donc faire une demande de bilan pour avoir un état des lieux. Ça peut aussi être un enfant qui a des troubles auditifs déjà avérés ou un enfant qui va être en difficulté pour construire le langage. Ce sont également les enfants en âge scolaire qui nous sont envoyés sur la recommandation de leur institutrice, car ils ne vont pas correctement développer leur langage écrit ou leur compréhension du langage ou leurs compétences mathématiques, etc.
En fonction du diagnostic, nous travaillons sur des exercices adaptés à chaque besoin. Quant aux adultes, leur prise en charge varie selon qu'ils sont en phase aiguë d'une pathologie (à l'hôpital) ou en phase de rééducation (en libéral).
Dans ton quotidien, existe-t-il des différences entre l'exercice à l'hôpital et l'exercice en cabinet privé ?
Oui, car je n'accompagne pas le même type de patients. À l'hôpital, j'interviens principalement en gériatrie, auprès de patients âgés, tandis qu'en cabinet, je travaille majoritairement avec des adolescents et des jeunes adultes. La prise en charge varie également selon le stade de la pathologie : en milieu hospitalier, nous travaillons sur la phase aiguë post-AVC, alors qu'en libéral, nous nous concentrons sur la rééducation à long terme.
Et que penses-tu du fait que les jeunes ne lisent plus autant qu'avant ?
Je pense qu'ils lisent toujours, mais différemment. Avec les téléphones et les ordinateurs, l'exposition à l'écrit est constante. Et je pense qu'elle est bien supérieure à l'époque de nos parents : dans les années 1970, la confrontation à l'écrit se limitait à la lecture du journal, d'un livre ou des leçons scolaires. Que vous soyez lecteur du dernier blog du rappeur à la mode ou de fan de manga, vous êtes dans l'écrit. Cependant, le vrai problème réside dans l'endurance à la lecture : aujourd’hui, nous privilégions la rapidité, ce qui réduit notre capacité à maintenir une attention soutenue sur des textes longs.
Le langage phonétique type SMS, est-ce que ça aura un impact ?
Oui, car il peut altérer la reconnaissance orthographique des mots. Si un mot est majoritairement vu sous sa forme abrégée, le cerveau peut devenir plus lent à identifier son écriture correcte. Cela fonctionne comme une langue qu'on n'utilise plus : elle n'est pas perdue, mais il faut la réactiver.


Utilisez-vous des jeux dans votre pratique pour aider les enfants ?
Je n’utilise pas le dessin comme outil thérapeutique à proprement parler, mais je privilégie des activités motrices couplées au langage. Ainsi, dans cette approche de doubles tâches, pendant qu'on est en train de travailler sur le langage, les enfants peuvent réaliser sur des magazines du coloriage, des labyrinthes ou des points à relier tout en travaillant la répétition des mots et la structuration du langage. Cette approche en double tâche permet de stimuler plusieurs capacités simultanément. Par exemple, si nous sommes en train de répéter un texte, pour diviser en fait l'attention de l'enfant sur l'exercice, je le laisse faire une activité de coloriage, de recherche de différences ou de labyrinthe.
Ces jeux visuels sont aussi utiles pour les enfants ayant des difficultés de balayage visuel et d’organisation spatiale. C’est une manière ludique de travailler des compétences sans que cela ne soit associé à un exercice scolaire à faire à la maison.